jeudi 10 mai 2018

THÉÂTRE : AK-47

      Nous sommes le jeudi 5 avril 2018, aujourd’hui s’est déroulé à La Méridienne, scène nationale de Lunéville, la représentation du spectacle AK-47 mis en scène par Perrine Maurin de la compagnie Les patries imaginaires. Un spectacle qui fait réfléchir, sur notre monde passé, notre monde actuel, et notre monde futur. Une heure et trente minutes, c’est la durée de ce spectacle qui illustre une arme à destruction massive en tant que protagoniste tout en mêlant différents arts mis au profit de l’Histoire et de la fiction. 

Photo de l'affiche du spectacle © Jean-Marie Dandy

L’AK-47 résonne dans toutes nos têtes, c’est cette arme qui fut déployée, et qui l’est toujours, par un nombre bien trop important de soldats, terroristes, et citoyens lambda, notamment américains pour assassiner de manière massive. Dans ce spectacle, Perrine Maurin met en scène les mots de l’auteur français Olivier Rohe. Ces mots constituent l’oeuvre intitulée Ma dernière création est un piège à taupes, Kalachnikov, sa vie, son oeuvre. Dans cet ouvrage, l’auteur a voulu retranscrire la vie de l’inventeur de l’AK-47, Mikhaïl Kalachnikov. En adaptant ce livre, Perrine Maurin offre aux spectatrices et spectateurs une remise en question de la présence des armes mais également un enrichissement historique en contant la vie de cet homme russe. 

Scène de "AK-47" © Kacky Joannès
On retrouve quatre personnes sur scène, une femme et trois hommes. Ils ne sont pas nommés, leurs identités respectives oscilleront tout au long du spectacle de manière aléatoire, tout comme leur présence sur scène, ils se baladeront librement de cour à jardin. L’espace temporel n’est pas défini, deux espaces représentatifs sont distincts et se succèdent de manière parallèle : La partie biographique de Mikhaïl Kalachnikov et la mise en scène de sa terrible invention, l’AK-47. Ce spectacle de théâtre contemporain est novateur et se différencie de ce qu’on peut voir généralement pour moult raisons. Premièrement dans son titre, en mettant en avant non pas une personne mais une arme, même s’il est bon de s’intéresser aux péripéties de son inventeur, on remarque ici l’importance et la gravité réelle de l’objet en lui-même. Deuxièmement ce maniement de la mise en scène de sources documentaires. On s’accordera à dire que le théâtre documentaire n’est pas apparu récemment et a de l’âge derrière lui, néanmoins celui-ci se fait rare. Il permet pourtant de dérouter le spectateur, en le plaçant dans une confrontation constante avec la limite de la fiction, tout en offrant un réel apprentissage historique. Troisièmement, le caractère pluridisciplinaire de la mise en scène est remarquable. 


Scène de "AK-47" © Jean-Gabriel Valot


La pluridisciplinarité de la mise en scène est quelque chose d’actualité dans le théâtre aujourd’hui. Nonobstant, cela peut vite devenir un danger et virer dans un surplus d’utilisation dans le l’optique d’impressionner et non pas de donner un sens. Ici, par exemple, la vidéo est utilisée à sa juste valeur. Elle fait apparaitre des morceaux de vidéos d’archives. La mise en scène fait appel également à la gestuelle, avec des jeux de mimes, et tout un questionnement autour du corps, de notre présence dans l’espace face à la présence d’armes du type AK-47. Les voix singulières des acteurs et de l’actrice sont mises à profit, tantôt comme une forme de conte, tantôt pour donner l’impression de la commercialisation de l’arme sur un marché. Leurs voix résonnent dans notre conscience. Le naturel du déroulement du spectacle est déroutant. On se laisse happer sans moment de creux ou de vide. Les apports venant de différents supports comme la vidéo, le chant, la lumière, arrivent de façon instinctive dans l’histoire que veut partager cette adaptation. 


Je vous conseille vivement, si l’opportunité s’offre à vous, d’assister à une représentation de AK-47. À la lecture du descriptif, j’ai été sceptique, à quel moment pouvais-je avoir un brin d’intérêt à l’histoire de l’homme qui a inventé une arme délivrant 600 coups par minutes qui a révolutionné les combats armés et fait encore de nombreuses victimes? Comme vous l’aurez compris l’aspect historique donne raison à la fiction créée autour de cette arme et de cette multi utilisation artistique. Un spectacle marquant qui ne laisse pas indemne face à cette ère actuelle sociétale où le port d’armes est toujours autorisé aux États-Unis, et où l’AK-47 fait de trop nombreuses victimes dans les attaques terroristes. 

DATES À VENIR : 
Octobre 2018 - Centre de culture ABC La Chaux-de-fonds, Suisse
Novembre 2018 - Le Manège, scène nationale de Maubeuge (59)