vendredi 21 décembre 2018

Les Inassouvis : Une expérience à la frontière du réel et de nos rêves.


      Une lumière rougie, une ambiance tamisée, des bougies crépitantes, le théâtre Elizabeth Czerczuk est un lieu à part. Un lieu de l’imaginaire qui propose un renouveau de l’art vivant. Un art des merveilles qui lie le public aux artistes. Dans la création Les Inassouvis, Il n’y a pas de frontière, pas de quatrième mur. Les spectateurs, ou les « hôtes » comme les appelle Elizabeth Czerczuk, laissent vagabonder leurs esprits pour s’immerger dans ce voyage artistique qui ne les laissera pas indemne. 




Les Inassouvis est une création, un voyage philosophique et visuel, en trois actes qui émet une interprétation philologique à l’œuvre littéraire L’inassouvissement de Stanislaw Ignacy Witkiewicz. L’univers de ce théâtre radical puise sa genèse dans l’avant-garde artistique polonais des années 1950-1970. On y retrouve des personnages emplis de folie, sortis d’un hôpital psychiatrique, ou bien encore des militaires au pas saccadé, une religieuse envoutée. Ils sont imprégnés de maux mentaux récurrents en lien avec l’enfance, l’hystérie, la mort, la question de l’être, du devenir, d’un monde utopique. Les émotions sont fortes, on se pose des questions, sommes nous légitimes à nous introduire dans l’intimité de ces personnes à l’esprit abimé? Il ne s’agit que de personnages, que de rôles incarnés, mais l’immersion est si intense que le spectateur est entraîné dans ce vortex de la pensée. 

L’espace scénique est atypique, une partie est inclinée, les comédiens et comédiennes déambulent dessus en toute légèreté. Les spectateurs migrent à chaque acte, on assiste à un théâtre de la déambulation où tout espace est exploitable. La danse est omniprésente, et se place avec justesse dans cette grande question de l’Être. Qui sommes nous? Notre corps est-il notre pensée? Les entractes offrent une suite logique à la création, outre le bol de soupe et le verre de vin mis à notre disposition, l’histoire continue, avec pour fil rouge, la poésie. Un homme charismatique s’installe, aux côtés des spectateurs, et offre une récitation touchante de moult textes poétiques, passant de Jean de la Fontaine, ou encore à Pierre de Ronsard. La mesure du temps est inexistante, on se laisse submerger par notre remise en questions et par l’aspect visuel de cet instant hors du temps. D’un acte à l’autre, les costumes restent d’une richesse et d’une précision folle. Tout comme la création sonore qui sied à merveille l’univers. Des sons tourbillonnants, entêtants, qui s’introduisent en nous, nous en sommes habités. 

Rien n’est laissé au hasard par Elizabeth Czerczuk, la minutie est de mise pour permettre d’offrir à son public une expérience complète, tant dans l’aspect théâtral innovant et surprenant qu’elle offre que dans cette remise en question indétournable.

Les Inassouvis mis en scène par Elizabeth Czerczuk au Théâtre Elizabeth Czerczuk. 
PROLONGATION DU 19/01 AU 17/02 2019. 

20 rue Marsoulan 
75012 PARIS 

dimanche 9 décembre 2018

DANSE : Jerada : Un tourbillon d’ennui

         Jerada est la rencontre entre la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen et la compagnie nationale norvégienne de danse contemporaine Carte Blanche. Cette performance de danse s’est jouée sur l’immense plateau de la grande salle du Centre Pompidou dans le cadre du Festival d’Automne à Paris. On en gardera des maux de crâne et un sentiment de lassitude très ancré dans nos mémoires. 




Tournez, tournez 


D’abord un, puis deux, puis trois, pour finir, ils sont quatorze. Quatorze danseurs et danseuses qui déambulent sur toute la scène effectuant des tourbillons de manière insatiable. C’est long, très long. Ce sont des tourbillons différents, certains vont vite, d’autres plus lentement. Le spectateur attend patiemment un changement, un retournement de situation, mais il pourra l’attendre longtemps. Ce petit détail qui aurait pu rendre le spectacle agréable n’arrivera jamais. Ce soir là, le spectateur devra se contenter de voir une performance cyclique où l’imaginaire est enfoui si loin qu’il est difficilement trouvable. On s’imagine quelques interprétations, sans grande conviction. Une représentation des hauts et des bas de la vie de chaque individu, qui se vêtissent de plusieurs guenilles, qui se heurtent, qui chantent, qui communiquent en tournant sur eux-même. On arrive à un simple et unique constat : ces tourbillons nous donnent le tournis, l’instant présent est désagréable, on a hâte que cela s’achève. 


Une chorégraphe autodidacte à la rencontre d’une compagnie professionnelle.

Lorsqu’on évoque les derviches tourneurs de l’ordre Mevlevi en comparaison aux mouvements des danseurs de la compagnie norvégienne, Bouchra Ouizguen indique qu’à aucun moment elle n’a souhaité faire de cette création une référence culturelle ou religieuse. Jerada est néanmoins une ville se situant au Nord Est du Maroc. En outre, la bande son de sa création est également une référence directe à ses origines, il s’agit de l’entrainante Dakka Marrakchia. Mais pour la chorégraphe, il s’agit d’une performance artistique, et rien d’autre. Son souhait était de pousser les corps dans leurs retranchements les plus profonds. Lors des premiers mois de répétitions, les danseurs de la compagnie norvégienne vomissaient à chaque session. Il a été difficile pour Bouchra Ouizguen de trouver un lien adéquat, une cohésion, avec eux. Ce qui expliquerait peut-être l’ennui dans lequel tombe le spectateur. La chorégraphe, d’origine marocaine, a pour habitude de travailler avec des danseuses marocaines qui n’ont pas de formation académique. L’institution lui a sûrement donné le tournis. Un tournis infini, une spirale infernale, qui nous laisse un goût amer d’inachevé. 

Jerada, par Bouchra Ouizguen, avec la compagnie Carte Blanche. 
Dans la grande salle du Centre Pompidou du 15 au 18 novembre 2018. Festival d’Automne à Paris.

mercredi 28 novembre 2018

De l’amour à L’Autre Canal avec Chaton et Vendredi sur Mer

Article écrit pour Le Pedromadaire



         L’artiste de pop française Vendredi sur Mer s’est produite à Nancy sur la scène de l’Autre Canal un… Vendredi. Que demandez de plus? Cette petite satisfaction a été le signe d’un live coloré et rempli de bonnes vibes avec en première partie le détournant Chaton. Retour sur cette soirée du 16 novembre où la pop française a brillé de mille feux. 



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© L’Autre Canal


De l’auto-tune poétique  

En première partie nous retrouvons l’adorable Chaton en compagnie de ses deux ordinateurs. Chaton c’est, des paroles à ne pas piquer des hannetons et de l’auto-tune de qualité. Déroutant au commencement, on se retrouve très vite emportés par ses paroles et sa bonne humeur communicative. On passe clairement un chouette moment. Il annonce lui même durant le live : « Pendant 10 ans j’ai écris pour les autres, maintenant je sors mon premier album».
Ce premier album s’intitule POSSIBLE. C’est mission réussie pour cet artiste talentueux au grand cœur et à la dérision comique. On donnera une note de splendide/20 à sa reprise magistrale de Pour que tu m’aimes encorede la queen canadienne Céline Dion.



Un trône coquillage, de la danse et des paillettes 

Vendredi sur Mer en concert se résume à de l’amour, trois danseurs et danseuse, beaucoup de paillettes, un splendide trône coquillage et évidemment la sirène de la soirée, Charline. Elle rayonne, et apporte de la légèreté et une cargaison d’amour dans le public. Elle nous en informe dès le début : « Prépare toi à vivre l’amour en une fraction de secondes». La jeune femme a sorti son premier EP fin 2017. Elle nous a offert également des titres inédits qui nous font espérer une sortie d’album très prochainement.
Après avoir débuté son live par Lune est l’autre, Vendredi sur Mer a interprété son tout premier single sorti en 2015, Mort / fine. Puis elle nous invite à voyager, à « partir dans la dune voir le désert ». Le talent est bel et bien présent, elle réussi à tisser un lien intense avec son public, et avec Dorine, Thomas, Clément, ses danseurs. Ils arrivent à partager avec douceur et de manière très artistique un amour fort et passionnel. Les titres de son EP Marée Basses’enchaînent : Les tempsLarme à gauche, mais aussi le puissant Les filles désir. Le public est conquis et comme envouté. Puis elle emprunte un chemin plus personnel, en annonçant une chanson sur son père, elle déclare que ce n’est vraiment pas facile mais qu’elle en ressent le besoin. Ce titre s’intitule La nuit. Après un léger problème de câble où elle décrit la situation en faisant référence à la série Black Mirror, elle reprend le live avec son titre phare La femme à la peau bleue. Ce concert  s’achèvera en beauté avec son dernier nouveau-né, le titre Écoute chériesorti en octobre dernier.
Chaton et Vendredi sur Mer furent le parfait combo pour une soirée sous le signe des musiques actuelles françaises, des artistes au grand cœur, avec un talent indéniable. On reste connectés de très près pour suivre leur envolée.
Découvrez Chaton avec son clip Poésies :


Découvrez Vendredi sur Mer avec son clip Écoute chérie :


jeudi 1 novembre 2018

NAKED ON THE MOON par Camille Witt

Prenez un peu de fraîcheur, une pointe d'amour, une bribe de délicatesse, un talent poétique, et vous obtiendrez la recette parfaite de l'exposition Naked On The Moon à la galerie Yellow Cube à Paris. 

NAKED ON THE MOON - Camille Witt ©cassandre_th 


L'Artiste à l'origine de cette merveille s'appelle Camille Witt. Elle a seulement 24 ans et regorge d'or dans les mains et dans son imaginaire. Dans cette toute première exposition en France, elle offre des capsules de vie nocturne tantôt sur les toits de Paris tantôt dans un monde flottant autour de la galaxie. Un univers touchant et intime en noir et blanc qui ne laisse pas indifférent. Des femmes, des hommes, nus, sur la Lune, illustrés délicatement, avec une simplicité aérienne. Ces illustrations sont réalisées à l'encre de chine et forment la série Les Demoiselles de Montparnasse. Voyez ici la double référence aux demoiselles de Rochefort, œuvre cinématographique de Jacques Demy, et à Kiki de Montparnasse, une artiste pluridisciplinaire de la première moitié du XXème siècle. Qu'il est bon de découvrir de jeunes personnes remplies d'une telle fraîcheur artistique et d'une si chouette ambition. 

Promouvoir l'art n'est pas chose aisée, l'illustratrice Camille Witt a eu l'opportunité de faire découvrir son univers grâce à la pétillante Roxanne Hemery qui est derrière l'existence de la galerie Yellow Cube. Roxanne m'a accueillie en me proposant un thé, d'une sympathie débordante, elle m'a expliquée son souhait de mettre en avant l'art de différentes disciplines d'artistes jeunes, ambitieux, débordants d'imagination. Un des prochains projets prometteur de la galeriste est d'effectuer une présentation de fanzine. Elle a également mis en place un bookstore où moult livres inspirants sont à la disposition des curieuses et curieux. 

Vous pouvez découvrir les illustrations de Camille et également quelques tableaux d'art abstrait d'une grande vivacité réalisés par Roxanne jusqu'au 10 novembre 2018 à la Yellow Cube Gallery, un lieu inspirant et inspiré, à suivre de très près. 


Yellow Cube Gallery
78 Rue du Dessous des Berges
75013 Paris
Métro ligne 14 / arrêt Bibliothèque François Mitterrand


NAKED ON THE MOON - Camille Witt ©cassandre_th 

NAKED ON THE MOON - Camille Witt ©cassandre_th  

dimanche 21 octobre 2018

Angèle en showcase à Paris


Jeudi 11 octobre 2018, la talentueuse chanteuse belge Angèle a donné un mini concert en plein milieu du magasin Fnac Forum des Halles à Paris. Nombreux et nombreuses étaient ses fans, retour sur un live intense et rempli de bonnes vibes.

Pochette de l'album Brol d'Angèle, sorti le 5 octobre.

       Angèle a bientôt 23 ans, en quelques mois seulement, elle a su faire ses preuves dans le monde musical et a sorti le 5 octobre dernier son premier album Brol. Son propulseur fut Instagram, le réseau social l'a élevée dans le monde des grands, et Angèle a sans aucun doute sa place dans cette  galaxie de la musique. 

Les fans parisiens de la jeune femme sont venus en masse le jeudi 11 octobre à la Fnac des Halles pour se déhancher sur les sons pop et emplis de sens de cette talentueuse autrice compositrice et interprète. Certains et certaines sont en tailleur depuis plus de quatre heures pour entendre la merveilleuse voix de leur coup de cœur musical. 18 h pile, Angèle arrive sous de chauds applaudissements de son public. Elle est émue de cette vaste marée humaine, "je n'aurais jamais pensé jouer devant tant de monde en plein milieu d'une Fnac". Son showcase débute par La Tune, puis Jalousie mais également Ta Reine, et s'achève sur ses deux premiers titres qui l'ont fait connaître : Je veux tes yeux et La loi de Murphy. Ce showcase fut court mais le public est conquis. Angèle poursuivra sa soirée à l'entrée du magasin pour dédicacer son album, en CD ou en vinyle, le public a le choix.

Angèle à la Fnac des Halles à Paris ©cassandre_th 

En attendant d'avoir l'opportunité de voir Angèle en live, n'hésitez pas une seule seconde à écouter son album, on ne s'en lasse pas. En outre, ses clips sont des pépites, elle a su s'entourer de personnes aussi talentueuses qu'elle pour lier l'art du cinéma à l'art de la musique. On pense notamment au clip de La Loi de Murphy réalisé par Charlotte Abramow mais également au tout dernier né : le clip de Tout oublier avec son frère Roméo Elvis réalisé par Brice Vdh et Léo Walk


Son album Brol est disponible depuis le 5 octobre 2018. Angèle sera en concert dans toute la France à partir du 10 novembre 2018. 



jeudi 18 octobre 2018

Littérature : Dix-Sept ans d'Eric Fottorino

Une auto-fiction inavouée

Eric Fottorino souligne son retour dans la littérature avec Dix-sept ans. Cet ouvrage 
aura eu le triste privilège de faire partie de la première sélection du prix Goncourt 2018.


      Eric Fottorino est un homme de lettres. Ancien dirigeant du journal Le Monde et co-fondateur de l’hebdomadaire Le 1, il se voue également une passion pour la littérature avec plusieurs ouvrages romanesques à son actif. Dans Dix-sept ans nous retrouvons un narrateur personnage étrangement semblable à l’auteur. Mais ce dernier insiste, il s’agit pour lui d’une pure fiction. Cette œuvre littéraire s’inscrit dans la veine de ses précédentes: une quête identitaire. Il s’agit de la pièce manquante de son puzzle familial pour mener à bien son acheminement personnel. Elle est destinée au portrait tragique de Lina, sa génitrice.

Lina a 17 ans quand elle donne naissance à son fils aîné, Eric. Elle est seule, livrée à elle-même. La relation entretenue entre le fils et sa mère est emplie de tension, et de non reconnaissance. Lina va annoncer une nouvelle qui chamboulera l’existence d’Eric. Il débutera alors un voyage initiatique sur les traces de sa mère. Un voyage qui a un doux goût du complexe d’Oedipe retardé. N’ayant pas connu sa génitrice comme sa véritable mère à l’âge enfant, l’hypothèse de ce refoulement est légitime. De plus, le narrateur personnage débute son récit en nommant Lina par «ma mère», «une jeune femme flottante» ou encore «Je suis le fils d’une pute qu’un salaud de juif a tringlé avant de se tirer» pour tendre à des appellations douces et mélodieuses comme «ma petite maman».

L’auteur dément l’idée de considérer son œuvre comme un récit autobiographie, néanmoins elle en a toutes les caractéristiques. La lecture résonne comme un journal intime, tout de même censé et adulte. Le récit se comporte de peu de rebondissements, le lecteur n’est pas tenu en haleine, la fin n’est point étonnante, la déception est à son comble. L’auteur joue sur des phrases courtes, un rythme particulièrement rapide, mais en oublie la longueur lassante donnée à ses descriptions sans fin qui se succèdent. Il dépeint le passé, en usant de polaroïds de mots vieillis. Entendez par là des images écrites de la ville de Nice, dans ses moindres recoins, qui s’enchaînent dans la tête du lecteur. A contrario, nous retrouvons une écriture très moderne, très récente qui peut tant faire référence à l’attentat du 14 juillet 2017 dans cette ville ou encore à un sujet très actuel qui est celui du suicide assisté.

La nostalgie est le maître mot de Dix-sept ans. Le parti pris de l’auteur n’est cependant pas assez revendiqué. Assumer ce récit en tant qu’autobiographie en aurait fait un récit beaucoup plus poignant, touchant et riche de sens. La prise de liberté que s’est laissée l’écrivain en accommodant des faits réels à des faits fictionnels conclut à une impossibilité d’engagement du lecteur. C’est un livre à lire entre deux rendez-vous, sur la plage, ou encore dans le métro. La question de la légitimation de cette œuvre à se retrouver dans la sélection Goncourt remet en doute les critères premiers de celle-ci.

FOTTORINO, Eric, Dix-sept ans, 2018, Gallimard, 263 pages, 20,5.

lundi 8 octobre 2018

Théâtre : Le Père, une expérience de tous les sens

      Dans le cadre de la 47ème édition du Festival d’Automne à Paris, Julien Gosselin présente à la MC 93 de Bobigny un spectacle riche et intense : Le Père. Un monologue poignant qui a pour seul comédien le talentueux Laurent Sauvage.

LE PÈRE - JULIEN GOSSELIN © SIMON GOSSELIN

L’Homme incertain


Le Père est une adaptation de l’ouvrage L’Homme incertain de Stéphanie Chaillou. Il met en scène le récit d’un agriculteur qui se retrouve face à sa vie faite de souvenirs, de nostalgie, de tristesse et de colère profonde. Julien Gosselin a été chamboulé à la lecture de cette œuvre littéraire. Le metteur en scène et l’autrice ont travaillé ensemble au découpage du texte pour offrir aux spectateurs, outre une mise en scène intense et marquante, un message fort et humaniste. « Je ne me souviens plus de mes rêves » débute Laurent Sauvage, le comédien. Il met pourtant à notre portée un voyage puissant dans ses plus profonds tréfonds oniriques. Des rêves, ou plutôt des cauchemars, qui montrent la dureté de la vie, une vie d’agriculteur perdu dans les méandres de la société actuelle. Une société de consumérisme où l’agriculture se voit déchirer petit à petit. La performance du comédien Laurent Sauvage rythme la représentation et donne un ressenti puissant et émouvant. La thématique de l’agriculture résonne de plus en plus dans le monde artistique. On la retrouve dans plusieurs créations de divers médiums, notamment le film de première œuvre Petit Paysan d’Hubert Charuel. Dans Le Père, le comédien n’est pas en quête du mimétisme ou de la représentation de la profession, mais de la passion, de l’intimité d’un agriculteur, qui est avant tout un humain.

La griffe Gosselin


Julien Gosselin convie son public à une véritable expérience riche de sens, comme il sait si bien le faire depuis ses débuts. Ce jeune metteur en scène, qui n’a rien a envié aux plus grands, signe de nouveau une adaptation d’une œuvre littéraire avec la volonté d’une dénonciation sociétale. L’aspect scénique, ce carré central de verdure, tend à rappeler aux plus avertis la mise en scène effectuée lors de son adaptation du livre Les Particules élémentaires. On retrouve également dans Le Père cet attrait pour la vidéo et l’affichage de mots en fond de scène. Ici, la scénographie tend à penser à la représentation d’un élevage industriel. De l’herbe trop verte pour être naturelle et des néons blancs qui plongent les spectateurs alors dans un univers aseptisé. La mise au noir de l’entièreté de la salle et de la scène lors des vingt premières minutes plonge le public dans une expérience de remise en question sur l’espace, les sens, les repères spatio-temporels. Ce dernier est comme spectateur intérieur du cerveau du personnage. Il est impossible d’en sortir. S’en suit alors une accélération de clignotements des néons et de la musique extradiégétique qui en devient assourdissante.

Les spectateurs sortent tourmentés et marqués par ce texte poignant, par la performance de Laurent Sauvage, seul sur scène, et par l’expérience de cette mise en scène enivrante et étourdissante.


Le Père, mis en scène par Julien Gosselin, avec Laurent Sauvage. Du 13 au 29 septembre 2018 à la MC 93.

samedi 22 septembre 2018

Soirée Paulette X Phildar


Paulette c'est un magazine créatif féminin inspirant et inspiré. Paulette c'est toi, c'est moi, c'est nous, ce sont toutes celles et ceux qui ont le poil qui s'hérisse à la lecture absurde des diktats présents dans la presse féminine généraliste. 
Pop-up store Paulette. ©cassandre_th 

 Paulette a lancé sa première collaboration avec la plus classique des marques qui traverse les générations : Phildar. Cette collab' a donné naissance à des chaussettes hautes aux inscriptions positives "GOOD MOOD" et à des collants pour que nos gambettes passent l'automne et l'hiver au chaud. Pour l'occasion, le magazine a organisé une soirée privée au sein de leur pop-up store au 126 rue de Turenne à Paris le jeudi 20 septembre. 

Paulette X Phildar. ©Emma Picq 

Ce lieu éphémère fut ouvert durant une semaine et a permis d'accueillir de nombreuses marques comme les divins sous-vêtements Bibiche, les céramiques boobesques de Pia Van Peteghem, ou encore Season pour le plus girly des coffee-shops. Il était également possible d'élaborer ses propres bouquets grâce aux fleurs de chez BergamotteLe shop, tout de rose poudré, a été scénographié par la talentueuse @royalgarance. On pouvait également assister à des ateliers créatifs et des talk shows pour échanger sur des thèmes comme la confiance en soi, nos rêves, ... 


Pop-up store Paulette. ©cassandre_th 
Pop-up store Paulette. ©cassandre_th 

Pop-up store Paulette. ©cassandre_th 


Lors de la soirée de lancement, une centaine de lectrices et lecteurs ont été invités pour échanger autour de délicieux cocktails réalisés par Finlay et Gin de France, de petits Avocado Toasts ou encore de Banana Bread tout en découvrant les marques d'objets et de vêtements proposées à la vente au Pop-Up Store et évidemment la collection réalisée avec Phildar que vous pouvez découvrir ici


                   
  



                                                                        
             


      Photos réalisées durant la soirée privée Paulette X Phildar. ©cassandre_th 


Ce fut une soirée des plus réussies, où l'ambiance reflétait à merveille ce magazine et sa communauté. De la joie, de la bienveillance, de la créativité, et de l'inspiration. 
Merci Paulette ! 



lundi 2 juillet 2018

CINEMA : Petit Paysan d'Hubert Charuel

Petit Paysan de Hubert Charuel, France, 2017, 90 min.

        Dans Petit Paysan nous retrouvons un protagoniste trentenaire, Pierre. Il est agriculteur, il a repris l’exploitation de ses parents. Sa vie paysanne va basculer lorsque sa sœur, vétérinaire, va déceler une maladie incurable et contagieuse à son troupeau de vaches. Dans ce premier film cathartique, le jeune réalisateur, Hubert Charuel, montre que l’exotisme est partout. Même dans ces villages reculés où les vaches sont plus nombreuses que leurs habitantes et habitants.




Les années 90 ont été ravageuses pour le monde paysan. Vache folle, fièvre aphteuse, de nombreuses fermes ont vu leurs portes se fermer. Hubert Charuel dresse un portrait émouvant de cette réalité crue. Lorsqu’une ferme se termine, il n’est pas question uniquement d’un bâtiment, il est également question d’une vie qui s’arrête aux mêmes portes. Lors d’une masterclass dans son ancienne école, l’Institut Européen du Cinéma et de l’Audiovisuel de Nancy, le réalisateur confie que cette fiction a une part autobiographique. En effet, il a lui même travaillé dans la ferme de ses parents. Ces derniers jouent d’ailleurs leurs propres rôles dans cette œuvre cinématographique qui peut donc être considérée comme une autofiction.

Le spectateur est happé par la représentation de ce monde agricole qui est si peu représenté grâce au genre du thriller. Le point de vue est essentiellement basé sur celui du jeune protagoniste à la tête de son exploitation. Une musique extradiégétique très minimaliste est utilisée pour aider le spectateur à entrer dans la tête du personnage, à souligner le genre, et cela est efficace. Tout comme un titre de Action Bronson, artiste musical de Hip-Hop, qui apparait à la fin du film, permettant de se décoller des clichés du monde paysan. Le réalisateur n’hésite pas à citer le film Alien comme référence directe à une scène de vêlage dans laquelle il a voulu introduire cette figure de monstruosité dans une histoire d’amour véritable entre un paysan et ses vaches. Des sentiments si forts qui poussent Pierre à se persuader qu’il attrape la maladie de ses vaches. L’homme et l’animal ne font plus qu’un. L’aspect psychosomatique est à son paroxysme et cela touche le spectateur.

Pierre (Swann Arlaud) et Pascale (Sara Giraudeau).

On en ressort ému, touché, et ébahi, par le talent grandiose d’Hubert Charuel pour un premier film. Ainsi que celui de Swann Arlaud et Sara Giraudeau dans les rôles respectifs de Pierre et de Pascale, sa sœur. Ces deux acteurs, ne connaissaient rien au monde agricole et se sont adaptés d’une manière sans équivoque et très impressionnante. Les Césars du meilleur premier film, meilleur acteur, et meilleure actrice dans un second rôle sont amplement mérités et annoncent une carrière fulgurante pour Hubert Charuel que l’on suivra avec une attention toute particulière.

jeudi 10 mai 2018

THÉÂTRE : AK-47

      Nous sommes le jeudi 5 avril 2018, aujourd’hui s’est déroulé à La Méridienne, scène nationale de Lunéville, la représentation du spectacle AK-47 mis en scène par Perrine Maurin de la compagnie Les patries imaginaires. Un spectacle qui fait réfléchir, sur notre monde passé, notre monde actuel, et notre monde futur. Une heure et trente minutes, c’est la durée de ce spectacle qui illustre une arme à destruction massive en tant que protagoniste tout en mêlant différents arts mis au profit de l’Histoire et de la fiction. 

Photo de l'affiche du spectacle © Jean-Marie Dandy

L’AK-47 résonne dans toutes nos têtes, c’est cette arme qui fut déployée, et qui l’est toujours, par un nombre bien trop important de soldats, terroristes, et citoyens lambda, notamment américains pour assassiner de manière massive. Dans ce spectacle, Perrine Maurin met en scène les mots de l’auteur français Olivier Rohe. Ces mots constituent l’oeuvre intitulée Ma dernière création est un piège à taupes, Kalachnikov, sa vie, son oeuvre. Dans cet ouvrage, l’auteur a voulu retranscrire la vie de l’inventeur de l’AK-47, Mikhaïl Kalachnikov. En adaptant ce livre, Perrine Maurin offre aux spectatrices et spectateurs une remise en question de la présence des armes mais également un enrichissement historique en contant la vie de cet homme russe. 

Scène de "AK-47" © Kacky Joannès
On retrouve quatre personnes sur scène, une femme et trois hommes. Ils ne sont pas nommés, leurs identités respectives oscilleront tout au long du spectacle de manière aléatoire, tout comme leur présence sur scène, ils se baladeront librement de cour à jardin. L’espace temporel n’est pas défini, deux espaces représentatifs sont distincts et se succèdent de manière parallèle : La partie biographique de Mikhaïl Kalachnikov et la mise en scène de sa terrible invention, l’AK-47. Ce spectacle de théâtre contemporain est novateur et se différencie de ce qu’on peut voir généralement pour moult raisons. Premièrement dans son titre, en mettant en avant non pas une personne mais une arme, même s’il est bon de s’intéresser aux péripéties de son inventeur, on remarque ici l’importance et la gravité réelle de l’objet en lui-même. Deuxièmement ce maniement de la mise en scène de sources documentaires. On s’accordera à dire que le théâtre documentaire n’est pas apparu récemment et a de l’âge derrière lui, néanmoins celui-ci se fait rare. Il permet pourtant de dérouter le spectateur, en le plaçant dans une confrontation constante avec la limite de la fiction, tout en offrant un réel apprentissage historique. Troisièmement, le caractère pluridisciplinaire de la mise en scène est remarquable. 


Scène de "AK-47" © Jean-Gabriel Valot


La pluridisciplinarité de la mise en scène est quelque chose d’actualité dans le théâtre aujourd’hui. Nonobstant, cela peut vite devenir un danger et virer dans un surplus d’utilisation dans le l’optique d’impressionner et non pas de donner un sens. Ici, par exemple, la vidéo est utilisée à sa juste valeur. Elle fait apparaitre des morceaux de vidéos d’archives. La mise en scène fait appel également à la gestuelle, avec des jeux de mimes, et tout un questionnement autour du corps, de notre présence dans l’espace face à la présence d’armes du type AK-47. Les voix singulières des acteurs et de l’actrice sont mises à profit, tantôt comme une forme de conte, tantôt pour donner l’impression de la commercialisation de l’arme sur un marché. Leurs voix résonnent dans notre conscience. Le naturel du déroulement du spectacle est déroutant. On se laisse happer sans moment de creux ou de vide. Les apports venant de différents supports comme la vidéo, le chant, la lumière, arrivent de façon instinctive dans l’histoire que veut partager cette adaptation. 


Je vous conseille vivement, si l’opportunité s’offre à vous, d’assister à une représentation de AK-47. À la lecture du descriptif, j’ai été sceptique, à quel moment pouvais-je avoir un brin d’intérêt à l’histoire de l’homme qui a inventé une arme délivrant 600 coups par minutes qui a révolutionné les combats armés et fait encore de nombreuses victimes? Comme vous l’aurez compris l’aspect historique donne raison à la fiction créée autour de cette arme et de cette multi utilisation artistique. Un spectacle marquant qui ne laisse pas indemne face à cette ère actuelle sociétale où le port d’armes est toujours autorisé aux États-Unis, et où l’AK-47 fait de trop nombreuses victimes dans les attaques terroristes. 

DATES À VENIR : 
Octobre 2018 - Centre de culture ABC La Chaux-de-fonds, Suisse
Novembre 2018 - Le Manège, scène nationale de Maubeuge (59)

jeudi 12 avril 2018

CINÉMA : La Révolution silencieuse de Lars Kraume


       ▸ Dans La Révolution silencieuse, le cinéaste germanique Lars Kraume nous plonge dans l’Allemagne de l’Est (la RDA) en nous contant l’histoire d’une classe de jeunes de 18 ans qui s’apprête à passer l’Abitur, l’équivalence allemande du baccalauréat. Nous sommes en 1956, le pays est divisé, ce film illustre la vie en Allemagne, durant la période post Troisième Reich. 


▸ Suite à une écoute illégale de la radio RIAS de l’Allemagne de l’Ouest (la RFA), les protagonistes, Lena, Kurt, Théo, et l’ensemble de leurs camarades, apprennent la mort de leur héros hongrois Puskás, célèbre joueur de football. Ils exercent une minute de silence lors d’un début de cours en hommage à ce sportif et aux révolutionnaires hongrois vertement enrayés par l’armée soviétique. Cet acte d’apparence anodine se verra être au coeur d’une affaire d’État. Entre moult enquêtes, convocations, et tentatives de chantage, les dirigeants mettront tout en oeuvre pour débusquer le(s) meneur(s) de cet acte clairement politique et réactionnaire. Les élèves, eux, décident de répondre pacifiquement aux autorités en gardant le silence sur cette affaire. 

▸ Cette fiction est librement inspirée de faits réels retranscrits dans l’oeuvre littéraire Das Schweigende Klasszimmer (La classe silencieuse) de l’auteur allemand Dietrich Garstka.              Lars Kraume, connu pour son précédent film Fritz Bauer, un héros allemand, offre ici aux spectateurs un récit historique couplé à la représentation de la jeunesse, de la famille, dans un pays divisé en 1956. Entre histoires sentimentales d’adolescents, conflits parentaux et conflits avec les dirigeants, le spectateur est baigné dans un univers très réaliste et étonnamment peu étranger à notre société actuelle. La question de la légitimité de la jeunesse à revendiquer son opinion n’a jamais été autant d’actualité. Ce bond dans le passé traite cette question avec minutie et vous permettra d’en faire votre propre avis. 
La Révolution silencieuse a fait partie de la sélection officielle du festival international du film de Berlin, la Berlinale, en 2018. 
Ce film fera l'objet d'un ciné-débat de l'association Histoire d'en parler le mercredi 18 avril au Caméo Saint-Sébastien à Nancy. À la fin de cette projection en avant-première, un débat sera proposé et animé par Ann-Sophie Schoepfel, Maître de Conférence à Science-Po Paris. (Lien de l'événement)
Sortie nationale le 2 mai 2018.
Découvrez ci-dessous la bande annonce de La Révolution silencieuse