dimanche 4 juin 2017

"Hey Mademoiselle t'es jolie"

Nous sommes le samedi 3 juin, il est 17h40.
Je suis vêtue d'un tee-shirt blanc. Je porte également un jean noir et des baskets New Balance. Habits basiques pour un samedi qui se voulait classique. Je suis en marche pour aller faire quelques courses histoire de ravitailler mon frigo vide d'étudiante.
Je longe le canal nancéien, le soleil brille, il fait chaud. Je croise des enfants d'une dizaine d'années rire aux éclats en essayant de faire des ricochets. La vie est belle. Et même que des petits oiseaux chantonnent. Je viens de passer une belle journée, faite de lecture et de musique. Je suis souriante. Tout va pour le mieux. 
Puis mon innocence se prend une gifle en pleine gueule. Je m'apprête à traverser un passage piéton. Le petit bonhomme devient vert, une voiture attend au feu rouge. Rien de plus normal me diriez-vous. D'un pas décidé, je reprends la marche pour traverser ce banal passage clouté. C'était sans compter cette intervention du putain de conducteur et de son putain de passager de cette fameuse voiture à l'arrêt au feu rouge. 

"HEY MADEMOISELLE T'ES JOLIE [...] T'AS DE BELLES FESSES [...] OH MA BEAUTÉ RÉPONDS-MOI" 

S'en suivra un petit: 

"SALE PUTE TU POURRAIS RÉPONDRE [...] TOUTES DES SALOPES"

Que faire.
Que dire.
Comment réagir.
Je ne porte même pas de robe me dis-je. Mais merde, que je sois en robe, en jogging, en pantalon, je suis une femme, je porte ce qu'il me semble bon de porter. Je suis libre de mes choix. Et non encore une fois je suis victime de ce fléau d'harcèlement de rue. Une fois dans le tramway, une autre au supermarché, et puis de nouveau, pour la énième fois, dans la rue gratuitement comme ça à l'orée d'un passage piéton. De nuit, de jour, ils se croient tout permis. Agresser la gente féminine par des paroles sans queue ni tête, sans réflexion, gratuitement et méchamment. 
Je me sens une fois de plus salie, salie par ces deux gros machos qui ont portés un regard des plus écœurants sur moi, ce regard d'homme atroce qui se sent tout puissant. Qui nous prend, nous, femmes, comme un objet, un objet qu'on regarde sous toutes les coutures et qu'on commente comme si on commentait l'état des fruits et légumes dans un supermarché. Encore une fois j'ai envie de crier, crier de toutes mes forces pour transmettre ma haine envers ces monstres.
J'ai envie de les insulter violemment. 
J'ai envie de leur foutre un vagin et une paire de seins pour qu'ils subissent des paroles outrageuses de la part de leurs compères machos.  
Mais non, comme à chaque fois que ce genre de choses se passe, je me tais. Je continue mon chemin. Je trace. La tête haute. Mais les yeux remplis de larmes. 
Je leurs souhaite égoïstement du mal.
J'aurais aimé réagir, de manière intelligente, leurs répondre quelque chose qui les fasse réfléchir. Mais à quoi bon. Au risque de continuer à être affligée de noms d'oiseaux et de sifflements dénigrants? Au risque de me retrouver battue, violée au coin de la rue?

Il est presque 3h du matin et j'écris ceci. Nous sommes dans la nuit de samedi à dimanche. Je n'arrive pas à dormir alors j'écris. J'écris la rage en tête. Je suis en colère. Énervée de me retrouver un énième coup victime d'agressions verbales gratuites par deux misogynes inconnus. Écoeurée par cette société qui se trouve dans une descente aux enfers concernant la condition des femmes par certains. 
Nous sommes en 2017 et le nombre d'agressions, de violences, physiques et verbales faites aux femmes ne cesse de s'accroître. Aujourd'hui des paroles déplacées, et quoi demain? À quand de réelles et efficaces mesures pour combattre ce fléau national du harcèlement de rue qui touche 9 femmes sur 10?

Aujourd'hui, pour la énième fois, je me suis sentie comme une jeune femme de 19 ans humiliée, salie, et rabaissée gratuitement.

Aujourd'hui, pour la première fois, j'ai décidé de mettre cet amas de mots sur ce que j'ai vécu. Sur cette histoire qui malheureusement ressemble à tant d'autres histoires que tant d'autres plus ou moins jeunes femmes peuvent témoigner. 

Aujourd'hui je me sens impuissante et je ne sais que faire pour que cela change...

Il est 3h30, Morphée m'appelle, en espérant que ma nuit soit faite de rêves d'un monde meilleur, où le harcèlement de rue est banni et puni par la justice.

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    C'est très bien écrit, si je peux me permettre. J'ai bien reconnu et même ressenti exactement ce qu'on ressent quand cette scène nous arrive (presque tous les jours, pour ma part).
    Effectivement j'essaie de trouver des répliques, des punchline qui les mette KO ou les fasse rager un bon coup mais souvent on est tellement surprise sur l'instant ou on se demande si on a bien entendu et du coup c'est trop tard, on avance la gorge serrée. Sache qu'on est hyyyyyper nombreuses à se sentir comme ça quotidiennement et quand ça m'arrive je pense à ça, je me dis "Je suis pas toute seule à vivre ça".

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    1. Bonjour, merci beaucoup pour votre commentaire! En effet le harcèlement de rue est malheureusement omniprésent et nous en sommes quasiment toutes victimes. Mon optimisme tend à me faire penser à un avenir meilleur, il faut y croire, et ne pas baisser les bras.

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