jeudi 18 octobre 2018

Littérature : Dix-Sept ans d'Eric Fottorino

Une auto-fiction inavouée

Eric Fottorino souligne son retour dans la littérature avec Dix-sept ans. Cet ouvrage 
aura eu le triste privilège de faire partie de la première sélection du prix Goncourt 2018.


      Eric Fottorino est un homme de lettres. Ancien dirigeant du journal Le Monde et co-fondateur de l’hebdomadaire Le 1, il se voue également une passion pour la littérature avec plusieurs ouvrages romanesques à son actif. Dans Dix-sept ans nous retrouvons un narrateur personnage étrangement semblable à l’auteur. Mais ce dernier insiste, il s’agit pour lui d’une pure fiction. Cette œuvre littéraire s’inscrit dans la veine de ses précédentes: une quête identitaire. Il s’agit de la pièce manquante de son puzzle familial pour mener à bien son acheminement personnel. Elle est destinée au portrait tragique de Lina, sa génitrice.

Lina a 17 ans quand elle donne naissance à son fils aîné, Eric. Elle est seule, livrée à elle-même. La relation entretenue entre le fils et sa mère est emplie de tension, et de non reconnaissance. Lina va annoncer une nouvelle qui chamboulera l’existence d’Eric. Il débutera alors un voyage initiatique sur les traces de sa mère. Un voyage qui a un doux goût du complexe d’Oedipe retardé. N’ayant pas connu sa génitrice comme sa véritable mère à l’âge enfant, l’hypothèse de ce refoulement est légitime. De plus, le narrateur personnage débute son récit en nommant Lina par «ma mère», «une jeune femme flottante» ou encore «Je suis le fils d’une pute qu’un salaud de juif a tringlé avant de se tirer» pour tendre à des appellations douces et mélodieuses comme «ma petite maman».

L’auteur dément l’idée de considérer son œuvre comme un récit autobiographie, néanmoins elle en a toutes les caractéristiques. La lecture résonne comme un journal intime, tout de même censé et adulte. Le récit se comporte de peu de rebondissements, le lecteur n’est pas tenu en haleine, la fin n’est point étonnante, la déception est à son comble. L’auteur joue sur des phrases courtes, un rythme particulièrement rapide, mais en oublie la longueur lassante donnée à ses descriptions sans fin qui se succèdent. Il dépeint le passé, en usant de polaroïds de mots vieillis. Entendez par là des images écrites de la ville de Nice, dans ses moindres recoins, qui s’enchaînent dans la tête du lecteur. A contrario, nous retrouvons une écriture très moderne, très récente qui peut tant faire référence à l’attentat du 14 juillet 2017 dans cette ville ou encore à un sujet très actuel qui est celui du suicide assisté.

La nostalgie est le maître mot de Dix-sept ans. Le parti pris de l’auteur n’est cependant pas assez revendiqué. Assumer ce récit en tant qu’autobiographie en aurait fait un récit beaucoup plus poignant, touchant et riche de sens. La prise de liberté que s’est laissée l’écrivain en accommodant des faits réels à des faits fictionnels conclut à une impossibilité d’engagement du lecteur. C’est un livre à lire entre deux rendez-vous, sur la plage, ou encore dans le métro. La question de la légitimation de cette œuvre à se retrouver dans la sélection Goncourt remet en doute les critères premiers de celle-ci.

FOTTORINO, Eric, Dix-sept ans, 2018, Gallimard, 263 pages, 20,5.

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