lundi 8 octobre 2018

Théâtre : Le Père, une expérience de tous les sens

      Dans le cadre de la 47ème édition du Festival d’Automne à Paris, Julien Gosselin présente à la MC 93 de Bobigny un spectacle riche et intense : Le Père. Un monologue poignant qui a pour seul comédien le talentueux Laurent Sauvage.

LE PÈRE - JULIEN GOSSELIN © SIMON GOSSELIN

L’Homme incertain


Le Père est une adaptation de l’ouvrage L’Homme incertain de Stéphanie Chaillou. Il met en scène le récit d’un agriculteur qui se retrouve face à sa vie faite de souvenirs, de nostalgie, de tristesse et de colère profonde. Julien Gosselin a été chamboulé à la lecture de cette œuvre littéraire. Le metteur en scène et l’autrice ont travaillé ensemble au découpage du texte pour offrir aux spectateurs, outre une mise en scène intense et marquante, un message fort et humaniste. « Je ne me souviens plus de mes rêves » débute Laurent Sauvage, le comédien. Il met pourtant à notre portée un voyage puissant dans ses plus profonds tréfonds oniriques. Des rêves, ou plutôt des cauchemars, qui montrent la dureté de la vie, une vie d’agriculteur perdu dans les méandres de la société actuelle. Une société de consumérisme où l’agriculture se voit déchirer petit à petit. La performance du comédien Laurent Sauvage rythme la représentation et donne un ressenti puissant et émouvant. La thématique de l’agriculture résonne de plus en plus dans le monde artistique. On la retrouve dans plusieurs créations de divers médiums, notamment le film de première œuvre Petit Paysan d’Hubert Charuel. Dans Le Père, le comédien n’est pas en quête du mimétisme ou de la représentation de la profession, mais de la passion, de l’intimité d’un agriculteur, qui est avant tout un humain.

La griffe Gosselin


Julien Gosselin convie son public à une véritable expérience riche de sens, comme il sait si bien le faire depuis ses débuts. Ce jeune metteur en scène, qui n’a rien a envié aux plus grands, signe de nouveau une adaptation d’une œuvre littéraire avec la volonté d’une dénonciation sociétale. L’aspect scénique, ce carré central de verdure, tend à rappeler aux plus avertis la mise en scène effectuée lors de son adaptation du livre Les Particules élémentaires. On retrouve également dans Le Père cet attrait pour la vidéo et l’affichage de mots en fond de scène. Ici, la scénographie tend à penser à la représentation d’un élevage industriel. De l’herbe trop verte pour être naturelle et des néons blancs qui plongent les spectateurs alors dans un univers aseptisé. La mise au noir de l’entièreté de la salle et de la scène lors des vingt premières minutes plonge le public dans une expérience de remise en question sur l’espace, les sens, les repères spatio-temporels. Ce dernier est comme spectateur intérieur du cerveau du personnage. Il est impossible d’en sortir. S’en suit alors une accélération de clignotements des néons et de la musique extradiégétique qui en devient assourdissante.

Les spectateurs sortent tourmentés et marqués par ce texte poignant, par la performance de Laurent Sauvage, seul sur scène, et par l’expérience de cette mise en scène enivrante et étourdissante.


Le Père, mis en scène par Julien Gosselin, avec Laurent Sauvage. Du 13 au 29 septembre 2018 à la MC 93.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire